Dossier du mois –> Juin 2024

La maladie de Mortellaro ou dermatite digitale, Actualité et prise en charge

 

Quelques rappels pour commencer

La maladie de Mortellaro est de plus en plus répandue en élevage laitier mais aussi en élevage allaitant et d’engraissement de jeunes bovins. Parmi les boiteries d’origine infectieuse, la dermatite est la principale cause de boiterie en France et dans le monde.

Pour rappel, la dermatite est une maladie qui est due à des bactéries : les tréponèmes dont le principal réservoir est l’animal lui-même et plus précisément ses lésions de pieds. Les lésions sont classées en stades actifs de la maladie (M1, M2) ou bien chroniques (M3, M4). Toutes sont réservoirs de Tréponèmes et donc à traiter (source photo : https://boiteries-des-bovins.fr/).

 

La prise en charge de cette maladie n’est pas chose facile et est très couteuse aussi bien en temps qu’en coût de traitement, elle repose sur une prise en charge collective des animaux. Elle consiste à traiter toutes les lésions de dermatite et à maitriser les facteurs de risques de la maladie qui sont nombreux. Il ne faut pas espérer se débarrasser complètement de la maladie mais plutôt la contrôler pour qu’elle reste la moins impactante sur le troupeau.

La première chose à dire concernant sa gestion est qu’il n’existe pas de traitement miracle aussi bien injectable que local… Il existe un bon nombre de traitements efficaces pour guérir les lésions de dermatite mais en général les traitements utilisés en condition de terrain ne permettent pas de guérir complétement les lésions et celles-ci restent sous forme chroniques (M3, M4). Parmi les traitements topiques (c’est-à-dire à appliquer directement sur les lésions) largement utilisés on peut citer les tétracyclines, les chélates de zinc ou cuivre ou encore l’acide salicylique.

Les traitements à base d’antibiotique topique à pulvériser sur les lésions sont à proscrire en raison du risque important de résistances et de résidus dans l’environnement. Il en va de même pour le formol reconnu comme cancérigène depuis quelques années ! Préservez votre santé.

 

Mais alors on fait quoi pour traiter les lésions ?

Premièrement, il faut s’équiper d’une cage de parage ou d’un moyen de lever les pattes confortablement. Il faut faire un état des lieux du nombre de vaches avec des lésions et noter les stades de la maladie pour réaliser un suivi précis de l’évolution des lésions. En effet, il faut retenir qu’entre un tiers à la moitié des vaches ne boitent pas avec des lésions de Mortellaro. Celles qui boitent ne sont donc qu’une partie de l’effectif à traiter et il faut donc passer tous les animaux à la cage. Pour une gestion efficace, il faut traiter toutes les vaches avec des lésions car elles sont porteuses de tréponèmes.

Deuxièmement, le traitement sous bandage est celui qui a la meilleure efficacité quel que soit le produit utilisé (4 fois plus d’efficacité avec l’acide salicylique). En effet, il permet au produit d’être en contact prolongé avec les bactéries. Il faut donc à chaque fois qu’on rencontre une lésion poser un pansement avec une compresse imprégnée du traitement, un bandage Vetrap® et un scotch imperméable. Le pansement est à changer et à remplacer toutes les semaines au maximum et ce jusqu’à guérison totale des lésions. Il ne faut pas trop le serrer non plus car il peut faire garrot.

Enfin, des études ont été réalisée avec l’acide salicylique à 70% et il s’avère qu’il est efficace sur les lésions de Mortellaro même chroniques (94% de guérison en 2 à 4 semaines soit entre 2 et 4 pansements). De plus, ce n’est pas un antibiotique donc pas de risque de résistances et il est aussi actif sur les limaces. Il est aussi relativement bon marché ce qui en fait un traitement de choix.

Il faut cependant retenir que même si ces produits sous bandage sont efficaces à court terme, ils ne sont pas efficaces à long terme car les vaches se réinfectent au contact des tréponèmes. Pour agir sur le long terme, en plus du traitement des lésions, il faut agir sur les facteurs de risque.

Quels sont les facteurs de risque à contrôler pour limiter Mortellaro ?

Le premier facteur de risque à contrôler est l’hygiène des pieds et le bon parage. Plusieurs solutions existent pour améliorer l’hygiène des pieds des bovins. Premièrement, un bâtiment en bon état avec un curage efficace et une litière propre. Ensuite, on peut avoir recours à des pédiluves mais à la condition qu’ils sont bien utilisés. Il faut que les vaches y passent de façon obligée, que ses dimensions obligent l’animal à passer les 4 pieds dedans (sinon elles sautent par-dessus) et qu’il soit correctement entretenu (produit renouvelé et adapté à une utilisation en pédiluve donc pas de formol par exemple !). Si les pieds sont trop sales et recouvert de litière, il est illusoire d’avoir recours au pédiluve car les produits n’atteignent alors pas la peau. Pour bien faire il faudrait laver les pieds des bovins avant le passage dans le pédiluve…

Certaines études montrent également que la pulvérisation sur les pieds de complexe bactérien dans le but d’enrichir la flore de la peau peuvent être efficace pour prévenir les lésions.

Le deuxième facteur de risque qui peut être contrôlé est le bon suivi des animaux avec un marquage des lésions et stade de la maladie. Il faut repérer les animaux le plus tôt possible pour une meilleure guérison et une dispersion moins importante des tréponèmes dans l’environnement.

Le troisième facteur de risque est la bonne immunité des animaux et la bonne qualité de la peau qui passe par une bonne alimentation (apport de minéraux et oligoéléments) et une bonne conduite du troupeau.

 

Pour se prémunir de la maladie, il reste à rappeler que si on a la chance de ne pas avoir de Mortellaro dans son élevage alors attention aux achats ! Il faut lever les pieds des animaux achetés et visiter l’élevage ou on achète pour voir l’état global du troupeau et la proportion de vaches boiteuses.