Parasitisme interne : traitez de façon raisonnée

Avec des hauteurs d’herbe faibles derrière un hiver doux, le risque parasitaire semble plus élevé que d’habitude. Néanmoins, des traitements systématiques et répétés ne sont pas souhaitables : ils favorisent les résistances des parasites aux molécules antiparasitaires et freinent l’acquisition de l’immunité naturelle que développent les bovins au pâturage.

Larve d’Oestergia dans une goutte d’eau

Le principal objectif concernant les strongles digestifs est de permettre le développement d’une immunité chez les animaux sans dépasser les capacités de tolérance des bovins. Il faut donc que les jeunes rencontrent assez de parasites pour acquérir une immunité mais pas trop pour ne pas que ça ait un impact sur leur croissance, voire sur leur santé. Moins un animal est immunisé, plus les larves ingérées vont pouvoir se développer et produire de nouveaux parasites : le recyclage parasitaire est alors élevé (jusqu’à 70% des larves aboutissent à un cycle complet). En revanche, chez les animaux déjà immunisés comme les adultes, seulement 1% des larves ingérées vont aboutir à un parasite excrétant des œufs.

Une mise en présence de 8 mois.

On considère qu’il faut 8 mois de temps de contact entre les bovins et les strongles type Ostertagia pour qu’ils aient développé une immunité suffisante. Il s’agit d’un temps de contact effectif : on doit donc déduire les périodes de rémanence des traitements antiparasitaires ainsi que les périodes de sécheresse. Par exemple, pour une mise à l’herbe au 15 avril et une rentrée au 15 novembre, si l’éleveur traite avec un vermifuge ayant une rémanence d’un mois et que la sécheresse dure un mois, le temps de contact effectif entre les parasites et les bovins sera de 5 mois (7-2=5). Les bovins seront donc immunisés l’année suivante.

Prévention

La rotation de pâture limite le recyclage parasitaire voire décontamine les parcelles si le temps sans animaux est important. En l’absence de rotation de pâture, on estime que l’excrétion dans les bouses est maximale environ 8 semaines après. Une conduite extensive ou un retrait des bovins dès que l’herbe atteint 6 cm de hauteur permet de diminuer les risques d’infestation parasitaire massive : le surpâturage expose plus les bovins aux parasites qui se trouvent essentiellement à la base de l’herbe quand il fait chaud. Chaque élevage et chaque année sont uniques Toute la difficulté vient du fait que la pression parasitaire dépend des pratiques d’élevage (chargement à l’hectare, rotation de pâture…) mais aussi de la météo qui va influencer sur un développement plus ou moins rapide des larves. Les protocoles anti parasitaires sont donc à discuter au cas par cas. En complément de l’état des animaux et de la connaissance du fonctionnement de l’élevage, un des outils pour décider d’un traitement ou non est la coproscopie. Ce terme désigne le comptage des œufs dans les bouses. Cet outil est notamment utile sur les bovins de 1 ère et 2 ème année de pâture. Effectuer des prélèvements de bouse sur un lot de 5 animaux peut être intéressant et permet de traiter les animaux seulement quand c’est nécessaire, et avec le bon traitement. Limiter les traitements est important notamment pour éviter le développement de résistances aux molécules anti parasitaires.

Autres parasites

En revanche, l’immunité reste inefficace contre les strongles respiratoires, la douve et le paramphistome. Afin de protéger de la douve et du paramphistome, la priorité est de limiter l’accès des zones humides aux bovins en clôturant. Si c’est impossible, évoquez un traitement avec votre vétérinaire (mise en évidence du paramphistome sur coproscopie, de préférence l’hiver pour être au pic d’excrétion et de la douve via des sérologies). Lors de manifestation clinique de bronchite vermineuse (toux d’été) causée par les strongles respiratoires, un traitement antiparasitaire doit être effectué.

Strongle respiratoire vu au microscope

Murielle Guiard, vétérinaire du GDS72

Encadré

Témoignage du Gaec Lelièvre

Philippe et Murielle Lelièvre sont installés à Brûlon avec des volailles et des vaches Limousines qui vêlent de novembre à mars. Certaines prairies sont sur des sols caillouteux séchants tandis que d’autres sont sur des argiles humides, propices aux parasites en général et au paramphistome et à la douve en particulier. Les éleveurs font du pâturage tournant et le chargement est assez important (75 vêlages sur 60 ha de prairies). “Hormi si un animal tousse ou maigrit anormalement et pour lequel je procède à des analyses, je ne traite pas les adultes.” explique Philippe Lelièvre. “Par contre, je procède à des analyses tous les hivers pour rechercher le paramphistome : j’en ai déjà eu et mes prairies humides lui sont favorables”. L’éleveur est prudent avec ses jeunes animaux : “Je ne prétend pas détenir “la” solution ! Voici ce que je fais habituellement : Les jeunes ont leur 1 er vermifuge (ivermectine en pour-on) à la rentrée en stabulation en fin de leur 1 er pâturage. Ils ont entre 7 mois et 1 an. Je leur administre un traitement à la mise à l’herbe suivante (oxfendazole en bolus), et à la rentrée en stabulation. Enfin, les génisses ont un dernier traitement au 1 er vêlage. L’hiver dernier, j’ai procédé à des analyses avec l’aide du GDS pour vérifier si j’avais géré efficacement le parasitisme. Les résultats étaient bons pour les strongles et ont montré du paramphistome. J’ai fait l’impasse du traitement car les animaux étaient beaux mais je traiterai si cela s’aggrave à la prochaine analyse”.