La peste porcine africaine n’est pas encore arrivée en France mais elle circule ou a circulé dans plusieurs pays frontaliers. Il est donc important de savoir comment cette maladie pourrait se propager si des cas étaient détectés sur le territoire. Des scientifiques de l’Anses ont modélisé la circulation de la maladie au sein des populations de sangliers dans deux régions françaises. Leurs résultats mettent en évidence l’importance de prendre en compte la topographie du paysage et d’arrêter la pratique de la chasse en cas de détection de la maladie.
La peste porcine africaine est présente dans l’Union européenne depuis 2014. Aucun traitement ou vaccin n’est pour le moment disponible contre cette maladie, qui contamine les sangliers et les porcs. Jusqu’à présent, aucun cas n’a été détecté en France mais la maladie circule en Italie et en Allemagne. Elle a également été présente en Belgique, où elle a été éradiquée en octobre 2020. Des scientifiques du laboratoire Anses de Ploufragan-Plouzané-Niort, et de l’office français de la biodiversité (OFB) ont modélisé la circulation de la peste porcine africaine au sein de populations de sangliers françaises. L’étude a été publiée dans le numéro de novembre 2022 du journal Preventive Veterinary Medicine.
Le morcellement du territoire influence la dispersion de la maladie
« Nous avons choisi de faire les modélisations dans deux zones. La première est le territoire proche de la frontière belge, car à l’époque où nous avons débuté notre étude la peste porcine africaine circulait dans ce pays. La seconde est les Pyrénées-Atlantiques, car les élevages de porcs en plein air sont importants dans ce département, ce qui peut augmenter le risque de transmission de maladies entre les sangliers et les porcs. » explique Nicolas Rose, co-auteur de l’étude et chef de l’unité Épidémiologie, santé et bien-être du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort.
Les deux régions ont des topographies différentes : la zone proche de la frontière belge est très morcelée, avec un territoire coupé par des routes et des villes. À l’inverse, les Pyrénées-Atlantiques sont plus homogènes et comportent plus d’espaces naturels continus. La fragmentation naturelle du paysage restreint la mobilité des sangliers et ralentit la propagation de la maladie. En revanche, la circulation simulée de la maladie dure plus longtemps : 2,6 ans en moyenne dans la région franco-belge contre 1,6 an dans les Pyrénées-Atlantiques. Or, plus la maladie circule longtemps, plus il y a de risque qu’elle se transmette aux élevages domestiques.
Arrêter la chasse pour empêcher la diffusion de la peste porcine africaine
Autre paramètre que les scientifiques ont fait varier : la pratique ou non de la chasse de loisir. Si la chasse peut diminuer le nombre d’individus infectés en diminuant la population sensible, elle a aussi pour conséquence de disperser les populations de sangliers et donc la maladie. Ceci est particulièrement notable dans les Pyrénées-Atlantiques, où la peste porcine africaine mettrait en moyenne 300 jours de plus à disparaitre de la population de sangliers si la chasse était maintenue. « La chasse est normalement suspendue à partir du moment où un cas de peste porcine africaine est détecté, précise Nicolas Rose. Le scénario où la chasse serait toujours pratiquée est donc plutôt théorique, sauf si la contamination des sangliers passe inaperçue et donc que la maladie est détectée très tardivement. » D’où l’importance d’avoir une bonne capacité de détection.
Une méthode pour éradiquer la maladie
La modélisation a montré que la fragmentation des territoires est déterminante pour ralentir la propagation de la peste porcine africaine. Après une phase d’observation permettant de bien définir les zones infectées et les zones à surveiller, la première mesure à adopter en cas de détection de la maladie serait donc de placer des barrières afin de renforcer la fragmentation de l’habitat. Autre mesure importante pour éviter la contamination : le ramassage des carcasses. Une fois que la maladie serait circonscrite dans une zone et que le nombre de contaminations deviendrait plus faible, la seconde étape consisterait à abattre systématiquement les sangliers présents dans la zone infectée. Cette méthode a permis d’éradiquer la peste porcine africaine en Belgique et en République tchèque.
Les scientifiques de l’Anses ont également mené un travail, non encore publié, sur la modélisation de la transmission de la PPA à l’interface entre les populations sauvages et les élevages de porcs domestiques. Une troisième étude est en cours, en collaboration avec l’OFB, pour modéliser les possibilités de diffusion de la peste porcine africaine dans la zone franco-italienne. L’enjeu est de comprendre comment la topographie et notamment l’altitude influence les déplacements des sangliers et ainsi d’évaluer la vitesse et le sens de propagation de la maladie dans cette zone.
Source : ANSES